vendredi 7 octobre 2011

Kritik express

Diaphana Distribution
We need to talk about Kevin, de Lynne Ramsay
Lynne Ramsay adapte façon puzzle le roman épistolaire de Lionel Shriver. Le récit fait des allers retours constants entre le passé et le présent, révélant au compte-gouttes les raisons qui ont amené Eva (Tilda Swinton, absolument parfaite) à être ostracisée par son voisinage. On devine rapidement une explication effroyable mais le voile reste épais quant à sa nature même. Dès les premières scènes, Ramsay installe le malaise. Lorsqu'elle plonge sa caméra dans une bataille de tomates géante - une fête populaire espagnole- d'une beauté aussi sidérante que perturbante, elle annonce la couleur : rouge. Une couleur qui ponctue le film comme un leitmotiv, motif balourd qui annonce l'horreur du drame autour duquel se noue l'intrigue. Ce symbolisme sans subtilité, pompier, est l'un des gros point faible du film. Ce qui est plus réussi, c'est la tension croissante que provoque la relation mère-fils qui est décrite. Le Kevin au sujet duquel le titre suggère d'avoir une discussion est une publicité ambulante pour la contraception, l'enfant poison devenant un adolescent monstrueux. Dire qu'il s'agit d'une relation amour/haine est trop simpliste et serait trop confortable. Le film ne se risque pas à dire pourquoi Eva aime son fils coûte que coûte : se force-t-elle au nom d'un prétendu instinct maternel ? par convention sociale ? ou, et c'est peut-être cela qui est le perturbant, parce qu'elle se reconnaît en lui ? Ramsay joue des correspondances entre les plans (des visages immergés, la façon particulière de préparer un sandwich ou de trier méthodiquement des rognures d'ongles/des morceaux de coquilles d'oeufs...) pour signifier leurs ressemblances et nous dire que si tout semble les opposer, ils ont beaucoup en commun. Lorsque le voile se lève enfin sur le drame charnière qui a fait basculer la vie d'Eva (et de Kevin), de multiples questions viennent à l'esprit. Des interrogations qui nous poursuivent longtemps après avoir quitté la salle.



L'Apollonide, de Bertrand Bonello
Bonello signe un film au charme vénéneux, très bien documenté, et qui, au naturalisme, préfère l'onirisme et son évanescence justifiant le sous-titre "souvenirs de la maison close". Porté par un casting féminin impeccable, ce film d'époque rompt avec les règles de l'académisme pour laisser surgir la modernité de manière assez audacieuse, osant l'anachronisme avec son générique et l'emploi de "Bad girl" de Lee Moses dans la B.O. Bertrand Bonello ne condamne ni ne loue les maisons de tolérance, il ne juge aucunement ces filles mais le regard qu'il porte sur elles redonne leur humanité à ces "objets de désirs". Sa mise en scène s'attache à construire un oxymore, faisant se côtoyer l'effroyable et le sublime, l'innocence et la perversion, l'opulence (des salons et des chambres) et la pauvre condition de ces filles "de joie". L'Apollonide contient ainsi quelques une des plus fortes images que vous verrez au cinéma cette année. Une grande réussite.


Restless, de Gus Van Sant
Une jeune fille condamnée par la maladie, un jeune homme fasciné par la mort. C'est le duo, sur le point de devenir un couple, que l'on retrouve à 'affiche de Restless. Sortez les mouchoirs ? Pas si vite ! Parce que le dernier GVS, film de commande produit par Ron -le tâcheron- Howard est assez pauvre en émotions. Henry Hopper, belle révélation, est certes touchant dans son rôle d'ado lunaire et torturé qui rappelle le Harold d'Hal Ashby. Mais Restless tombe dans le piège de la poésie de papier glacé, se parant des atours du romantisme sans fouiller les âmes en profondeur. Ce qui peut amener le spectateur à se concentrer plus volontiers sur les jolies tenues de Mia Wasikowska que sur le destin de ces jeunes personnages.

mardi 4 octobre 2011

Kritik express

Warner bros France
Crazy, Stupid, Love, de John Requa et Glenn Ficarra
Bonjour les contrastes, avec un casting réunissant Steve Carell et Julianne Moore, Emma Stone et Ryan Gosling, Kevin Bacon et Marisa Tomei. Le titre laisse a priori présager une comédie romantique sans grande subtilité et c'est le cas dans la première partie montrant un quinqua plan-plan (Carell), largué par sa femme, coaché par un modèle sorti des pages de GQ (Gosling, ici expert en séduction). On imagine alors comment cela va se terminer. En gros, celui qui avait le plus besoin d'aide n'est pas celui auquel on est censé penser et chacun gagne à apprendre de l'autre. Bla, bla, bla. Or, Crazy, Stupid, Love, sait ménager quelques surprises, contrariant le scénario en pilote automatique. Film choral sur l'amour et les bêtise qu'il nous fait commettre, il laisse affleurer des émotions moins gnangnan qu'attendues. Il n'empêche que le tout manque de rythme, même si des embardées hystériques tentent de le faire oublier.




Habemus papam, de Nani Moretti
Le Pacte
Je plaçais de grandes espérances dans le nouveau Moretti, précédé d'une flatteuse réputation depuis son passage sur la Croisette. Hélas, j'ai été déçu par cette histoire de pape démissionnaire. Moretti signe un film somme toute assez élégant, mais je n'ai pas embarqué dans la fugue et les pérégrinations théâtrales de Piccoli, et ai préféré les scènes liées à l'enfermement forcé du psy au Vatican, à commencer par la compétition de volley.




La fée, de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy
Laurent Thurin-Nal
Un film que j'aurais aimé aimer. Je ne connaissais les précédentes réalisations du trio que par bribes (extraits, bande annonces...). La fée était donc ma première balade dans leur univers. Il y a de la fantaisie, de la poésie et un brin de scènes amusantes. Mais je ne suis pas parvenu à m'immerger dans leur monde. Comme si l'on me racontait une jolie histoire inoffensive et jamais vraiment captivante.


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lundi 3 octobre 2011

Kritik express

Wild bunch distribution
La guerre est déclarée, de Valérie Donzelli
L'autofiction au cinéma ne fonctionne que si elle s'accomplit dans un élan de sincérité et abandonne tout calcul. C'est le cas dans La guerre est déclarée. Si Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm - qui ont écrit le scénario à quatre mains et tiennent les deux rôles principaux - se sont inspirés de leur douloureuse expérience de couple confronté à la maladie de son enfant, ils ne tombent jamais dans l'impudeur. Surtout, ils n'ont pas peur de s'attaquer à des scènes casse-gueules avec leur sensibilité (la course dans les couloirs de l'hôpital, l'annonce du diagnostic aux proches, par exemple), scènes que le spectateur pourra trouver moins réussies. Ils assument leur jusqu'au-boutisme, ne craignent pas de passer du rire aux larmes -partition difficile à composer- et osent une bande originale hétérogène et omniprésente. La guerre est déclarée relève à la fois du journal intime, du collage cinéphile, de l'illustration pop et du film phénomène parce qu'il parle au plus grand nombre avec sa propre voix et sans prétendre à l'universalité.




Les Bien-aimés, de Christophe Honoré
Le Pacte
Avec son intrigue qui court des années 1960 à une époque contemporaine, condensée en 2h20, Les Bien-aimés laisse d'abord une impression mitigée. Comme si à vouloir trop embrasser d'époques, de pistes et de vies, le film échouait à étreindre l'émotion. Or, le dernier Honoré est l'exemple parfait du film qui ne se révèle vraiment qu'après avoir infusé en nous. Alors, la magie des Chansons d'amour n'est plus forcément là et la partie consacrée à Madeleine croule sous les références truffaldiennes, mais le film dégage un souffle réel dès que Chiara Mastroianni entre en scène. La nostalgie laisse la place à la modernité et à une intensité culminant dans les séquences montréalaises. Un beau film qui semble défendre l'idée que les amours insatisfaites sont celles qu'on vit le plus intensément.





La piel que habito, de Pedro Almodovar
Pathé
Pedro Almodovar fait une incursion dans le cinéma de genre, lorgnant vers le rape-and-revenge, sans renier complètement son goût pour le mélodrame. Il adapte librement Mygale de Thierry Jonquet et signe un conte horrifique où un savant-fou teste sur sa cobaye une peau plus résistante. D'une violence psychologique vertigineuse - y a-t-il pire geôle que son propre corps ?- et d'une mise en scène à la froideur idoine, ce film interroge la notion d'identité et s'impose comme l'un des sommets de l'année.



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jeudi 18 août 2011

Melancholia

/ Les Films du Losange
Claire et son mari accueillent, dans leur maison bourgeoise, la réception du mariage de Justine, la sœur de Claire, et Michael. Pendant ce temps, la planète Melancholia s'approche de la Terre.

Le prologue au cours duquel des tableaux s'animent au ralenti sur fond de "Tristan et Isolde" de Wagner plonge immédiatement le spectateur dans l'ambiance. Cette introduction, d'une grande beauté visuelle, met en scène les personnages principaux. Chaque image trouvera un écho et fera sens dans la suite du film. Dès le début également, tout suspense est levé quant à la catastrophe. C'est en sachant que la collision n'a pu être évitée que l'on suit ces portraits de femmes.

/ Les Films du Losange
Chaque sœur a droit à sa propre partie, chacune d'égale durée. Pourtant, la première, consacrée à Justine semble plus longue. Une impression sans doute due à son caractère choral : elle se déroule lors d'un mariage de Justine. Parce que le chemin est trop étroit pour la Limousine qu'ils ont louée - très jolie séquence-, les jeunes mariés arrivent en retard à la réception. Sur le péron, Claire, les accueille sans cacher son exaspération. Ce qui devait être un mariage en grande pompe tourne en fiasco événementiel. Les caractères se révèlent peu à peu. Et, malgré le faste et les apparences, la famille de Justine est loin de composer un tableau lisse. Une mère acariâtre, un père qui se la joue copain pour mieux prendre la fuite, un beau-frère aimant rappeler les sommes investies dans l'organisation du mariage...
Peu à peu le vernis s'écaille et Justine a de plus en plus de mal à lutter contre sa dépression, à l'empêcher de transparaître. Lars von Trier a mis beaucoup de lui même dans ce personnage incarné par Kirsten Dunst -qui, par les nuances apportées à son jeu, méritait amplement le prix d'interprétation cannois. Il n'en n'a pas fait mystère : lui aussi a connu les affres de la dépression. Et jamais sans doute, un film n'avait approché de si près la réalité d'un tel état. Cette première partie, sorte de comédie de mœurs, montre le délitement d'un univers d'apparences. Autrement dit, l'apocalypse d'un petit monde bourgeois.

/ Les Films du Losange
Un second chapitre s'ouvre alors, celui de l'apocalypse atout court. Dans la première partie, la présence et l'évolution de la planète Melancholia n'était que suggérée. C'est autour d'elle que le deuxième acte se construit, comme un négatif du précédent. Les tons froids et bleutés répondent aux tons chauds du premier mouvement, le cadre intimiste -cinq personnages- succède au récit choral. On retrouve Justine, mais c'est sa sœur, Claire, qui est mise en avant. Toujours dans cette logique de décalque en négatif, c'est elle qui va perdre pied alors que, dans l'imminence de la catastrophe, Justine trouvera un certain apaisement. Si l'on enlève les ultimes -puissantes- secondes, Lars von Trier traite cette fin du monde sans insister sur le spectaculaire. Il y a bien sûr ces plans saisissants où les personnages évaluent la progression de la planète menaçante au travers d'un ingénieux bricolage en fil de fer ou cette neige qui se met subitement à tomber alors que les deux sœurs cueillent des fruits au jardin, mais c'est principalement dans une atmosphère cotonneuse et silencieuse que se déroulent les événements. Ce qui aura pour effet de renforcer l'impact du crescendo émotionnel final.

Melancholia diffuse un pessimisme résigné, à l'image de Justine qui sait que la Fin est inéluctable et qu'elle ne peut rien y faire. Claire, elle, n'a que le mot "bonheur" à la bouche. Un but ultime qu'elle poursuivra même en sachant son sort scellé, ce qui lui vaudra des remarques cruelles de sa sœur, qui, elle, a depuis longtemps fait une croix sur le concept de bonheur. In extrémis, la conclusion, apporte un semblant de réconciliation en forme de communion. Lars von Trier laisse alors, si la "magie" a opéré, le spectateur bien seul dans son fauteuil. Dans un état de tristesse vague et indéfinie, soit la définition de la mélancolie.

Melancholia
Allemagne, Danemark, France, Suède, 2011.
Réalisé par : Lars von Trier. Avec : Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland...

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vendredi 12 août 2011

La Queue du scorpion

/ DR
Kurt Bauman, riche homme d'affaires, meurt dans l'explosion d'un avion de ligne, au dessus du Pacifique. Il laisse à sa veuve, Lisa, une assurance d'un millions de dollars. La jeune femme se rend en Grèce -où se trouve le siège de la société de son défunt mari- pour récupérer cette somme, en liquide. Quelques heures plus tard, elle est retrouvée assassinée dans sa chambre d'hôtel. L'argent, lui, s'est envolé.

Le deuxième giallo de Sergio Martino sort sur les écrans italiens huit mois après L'étrange vice de Mme Wardh, sa première incursion dans le genre. Edwige Fenech, initialement pressentie pour le rôle de Cléo Dupont, n'a pu se rendre disponible pour le tournage. C'est l'actrice suédoise Anita Strinberg qui interprète finalement la journaliste française enquêtant sur les meurtres. George Hilton, déjà présent au générique de Mme Wardh, rempile sous la direction de Sergio Martino pour incarner un détective employé par la compagnie d'assurance. "Dans ce film il a été très bon, ce qui n'était pas toujours le cas", balancera le réalisateur près de 30 ans plus tard*, "c'est sans doute dans celui-ci qu'il a été le meilleur".

/ DR
Ces qualités d'interprétation, et le fait qu'il soit tout de même considéré comme un titre phare de Martino, n'empêchent pas La Queue du scorpion d'être un ton en dessous de Mme Wardh. Des scènes ont dû être ajoutées pour porter la durée du métrage à une heure trente -au lieu de l'heure et quart qu'aurait donné le projet initial. Ces séquences, tournées à Londres, trouvent leur place au cours du premier quart d'heure. Du coup, l'intrigue tarde à démarrer et, lorsque l'on a une vision de l'ensemble du film, le caractère superflu de ces scènes ajoutées se fait criante.
Après le meurtre de Lisa (Ida Galli), le rythme s'accélère et le film parvient à accrocher l'attention. Parmi les scènes fortes, celle de l'assassinat de Laura (Janine Raynaud). Egorgée, elle se laisse glisser le long d'une vitre. Son visage, aplati contre le verre, prend une expression grimaçante qui confère une dimension d'une cruauté comique à la scène. Sergio Martino affirme que Quentin Tarantino et Jaume Balaguero lui ont confié que cette séquence les avait marqués.
La bande annonce de l'époque (voir ci-dessous) n'hésitait pas à mettre La Queue du scorpion au niveau du Golem, du Cuirassée Potemkine, de M, le maudit et de L'Âge d'or... Il ne faut pas non plus exagérer mais, sans être le chef d'oeuvre annoncé, La Queue du scorpion figure tout de même parmi les titres à recommander à tout amoureux de giallo.



* Interview réalisée par Daniel Gouyette et visible dans les suppléments du DVD édité par feu-Néo publishing, dans la collection Giallo.

La Queue du scorpion
(La Coda dello scorpione) Italie, 1971.
 Réalisé par : Sergio Martino. Avec : George Hilton, Anita Strindberg, Ida Galli...

jeudi 11 août 2011

Easy girl

/ DR
Olive prétexte un rendez-vous avec un garçon pour décliner l'invitation lancée par sa meilleure amie pour le week-end. Le lundi suivant, elle s'enfonce dans le mensonge en confiant à son amie avoir perdu sa virginité avec son rencard. Une information qui n'échappe pas aux oreilles indiscrètes et qui va rapidement faire le tour du lycée. L'ado lambda et passe-partout commence alors à exister aux yeux de ses congénères. Loin d'être échaudée par la tournure que prennent les choses, elle poursuit sur sa lancée en acceptant d'aider l'un de ses camarades gay à se faire passer pour hétéro en simulant une coucherie. Il n'en faut pas plus pour qu'on lui colle l'étiquette de "fille facile".

Résumé ainsi, le point de départ de cette comédie laisse redouter le pire. Pourtant, Easy Girl n'a pas grand chose à voir avec les potacheries libidinales à la American Pie et consorts. Même s'il est question de sexe, de "twat" et de chlamydiose, le film demeure chaste et fait preuve d'une certaine subtilité. C'est d'ailleurs du côté des comédies ados de John Hugues (The Breakfast club, Sixteen candles, La folle journée de Ferris Bueller...) -auxquelles il est clairement fait allusion- que le lien de parenté doit être recherché.

A cela s'ajoute une référence littéraire. Olive s'inspire du roman qu'elle étudie en cours, La lettre écarlate, pour provoquer les moralisateurs de tous poils qui l'entourent. Dans ce livre, dont l'action se déroule au XVIIe siècle, il est question d'une femme adultère que la communauté puritaine de Boston oblige à arborer -signe d'infamie- un A (pour adultère) rouge sur la poitrine. Ce qui donne l'idée à Olive d'accessoiriser ses tenues affriolantes avec la première de l'alphabet et de parcourir les couloirs du lycée, la tête haute. Le titre original, Easy A, joue d'ailleurs du double sens attaché à cette lettre.

/ DR
Faire la nique au puritanisme en s'appuyant sur le mécanisme de la rumeur sans oublier d'être drôle, voilà le programme de ce teen movie. Easy girl n'est pas hilarant de bout en bout, n'évite pas les redites et accuse quelques baisses de régime mais il se dégage de l'ensemble quelque chose d'extrêmement sympathique. Emma Stone est l'atout principal. Son Olive, prête à jouer les fausses ingénues, suscite une empathie immédiate et on rêverait de la voir rejoindre notre groupe d'amis.  Elle est entourée par de solides seconds rôles, dont certains que l'on n'a peu l'habitude de voir dans le registre comique : Malcom McDowell, Patricia Clarkson, Stanley Stucci, Lisa Kudrow...

Ne vous arrêtez donc pas à l'accroche racoleuse de la jaquette du DVD -"Mieux vaut être nue qu'inconnue !!"- et rencontrez sans tarder cette fille bien.



Easy girl
(Easy A) Etats-Unis, 2010.
Réalisé par : Will Gluck. Avec : Emma Stone, Amanda Bynes, Stanley Tucci...

mercredi 10 août 2011

L'étrange vice de Mme Wardh

/ DR
Alors qu'un tueur au rasoir sévit à Vienne, Julie Wardh et son mari arrivent dans la capitale autrichienne. Son époux étant très pris par ses affaires, la jeune femme passe surtout du temps avec son amie Carol et George, le cousin charmeur de cette dernière. Jean, l'un des anciens amants de Julie, est également dans les parages, décidé à lui faire savoir qu'il ne l'a pas oubliée.

L'étrange vice de Mme Wardh, a été influencé par L'Oiseau au plumage de cristal, le premier long-métrage de Dario Argento, champion du box-office italien quelques mois plus tôt. Si son scénario s'inscrit dans la lignée de celles des gialli des années 1960 - où la motivation du meurtrier s'avère essentiellement vénale - le film de Sergio Martino prend, avec son psycho-killer et ses fulgurances de violence, le train de la modernité amorcée par le premier essai argentien.

/ DR
Le titre intrigant renvoie au masochisme du personnage principal. Dans le rôle de Julie Wardh, Edwige Fenech, déploie toute sa sensualité. La première partie du film est baignée d'érotisme et les formes de l'actrice, largement dévoilées, n'y sont pas étrangères. Edwige Fenech, qui  a alors près d'une vingtaine de rôles à son actif dont un dans L'île de l'épouvante de Mario Bava, ne tardera pas à s'imposer comme l'une des divas du giallo. George Hilton, acteur argentin qui s'était jusque là surtout illustré dans des western spaghetti, se glisse dans le costume du principal rôle masculin, George. Le couple Fenech-Hilton est ainsi constitué pour la première fois sur grand écran ; ce ne sera pas la dernière et il deviendra l'un des duos emblématiques du genre.
L'intrigue, qui enchaîne les rebondissements sans craindre les excès dans sa conclusion, emprunte certaines des caractéristiques de deux chefs d'œuvre d'Henri-Georges Clouzot et d'Alfred Hitchcock. Les citer risquerait de spoiler le fin mot de l'histoire. Mais que l'ombre de ces grands noms recouvre le film donne une idée du suspense qu'a voulu échafauder -avec succès- Sergio Martino. Plusieurs scènes mémorables jalonnent le film. Celle du "verre pillé", onirique et sensuelle, celle du parking souterrain, mais surtout celle du parc. Une séquence qui en inspirera une autre de Quatre mouches de velours gris, de... Dario Argento.
L'étrange vice de Mme Wardh constitue une parfaite première approche du giallo. Et pour tous les amateurs du genre, le visionnage de cette pièce maîtresse est inévitable.




L'étrange vice de Mme Wardh
(Lo strano vizio della Signora Wardh) Italie, 1971.
 Réalisé par : Sergio Martino. Avec : Edwige Fenech, George Hilton...

samedi 6 août 2011

Catfish

/ DR
J'ai profité de mon séjour dans les îles anglo-normandes -Jersey et Guernesey- pour faire le plein de DVD introuvables en France. Parmi eux, celui de Catfish, un documentaire de 2010, toujours inédit dans l'Hexagone. Aucune date de sortie, même directement en DVD, n'a encore été annoncée chez nous. Pourtant, la bande annonce a de quoi intriguer.


Catfish commence donc comme un documentaire sur une relation virtuelle. Tout débute le jour où Nev Schulman, photographe new-new-yorkais, reçoit une toile, signée Abby, reproduisant l'un de ses clichés paru dans un journal. Abby Pierce a huit ans et vit dans le Michigan. Bluffé par son talent, le jeune homme lui envoie d'autres photos pour qu'elle lui livre d'autres tableaux. Une sorte de relation amicale se noue entre eux. C'est à ce moment là qu'Ariel, le frère de Nev, et Henry Joost, tous deux réalisateurs décident de consacrer un docu à la petite génie des pinceaux. Alexandra, la mère d'Abby, et Nev se téléphonent régulièrement. Puis, les contacts se prolongent sur Facebook où le vingtenaire élargit sa liste de "friends" à toute la famille Pierce. Notamment à la grande sœur, Megan, 19 ans et, d'après son profil, "célibataire". Elle n'a pas envie de le rester à en croire les messages sans équivoque qu'elle laisse sur le compte de Nev. Le flirt par claviers interposés ronronne plusieurs mois jusqu'au jour où Megan commet une gaffe qui pousse le jeune homme à vouloir la rencontrer. Dans la vraie vie.
Pour apprécier au mieux Catfish, il est préférable d'en savoir le moins possible. Aussi, je vous conseille de ne pas poursuivre la lecture de cette note -que je garantis pourtant sans véritable spoiler- et de vous procurer ce documentaire au plus vite.

Je continue donc pour ceux qui veulent en savoir plus. Comme le laisse penser la bande annonce, la chronique gentillette du plan drague 2.0 vire en thriller. La deuxième partie du film en déploie une partie de la mécanique -enquête sur des mensonges, virée nocturne en pleine cambrousse, rencontres en caméra cachée, etc.- avec une réelle efficacité. En matière de suspense, cela faisait longtemps que je n'avais pas été aussi scotché. Sans que l'on s'en aperçoive, on glisse dans le troisième acte tout aussi secouant que complètement inattendu. Cette imprévisibilité, qui ne manquera pourtant pas de faire des déçus, est ce qui permet à Catfish de se hisser dans une catégorie supérieure à celle des films malins mais vite oubliés.
/ DR
Bien sûr, le film évoque les thèmes du vrai, du faux, du mensonge et des apparences. Il questionne également sur la pratique des réseaux sociaux, et, plus largement, sur notre société où les écrans sont omniprésents. Le premier tiers, en plus des images vidéo, est constitué de captures d'écrans d'ordinateurs, de films postés sur Youtube, de lieux localisés sur Google Maps et visualisés sur Google Earth, de trajets matérialisés sur GPS, de tous ces écrans qui font écran et qui, dans une mise en abyme, nous parviennent à leur tour projetés sur un écran -celui de la salle de cinéma ou de télévision.
N'importe quel spectateur disposant d'un compte Facebook s'identifiera, ne serait-ce que très partiellement, à Nev. A fortiori s'il compte parmi ses "amis" des personnes dont il ne connaît que quelques centres d'intérêts, des visages qu'il n'a jamais croisés et des profils peut-être bidons. "Que cherche-t-on véritablement en surfant sur ces réseaux sociaux ? " est l'une des questions que pose le film. Un film qui joue lui même le jeu du vrai, du faux, de la réalité, de la fiction, des apparences trompeuses. Un film qui n'est pas lui-même ce dont il à l'air. La boucle est bouclée.


Catfish
Etats-Unis, 2010.
Réalisé par : Ariel Schulman et Henry Joost. Avec : Yaniv Schulman, Ariel Schulman...

lundi 30 mai 2011

Giallo

/ DR
Dario Argento est sans conteste le réalisateur pour lequel j'ai le plus d'indulgence. Même dans ses films les plus décriés, Le Fantôme de l'Opéra, The Card player ou Mother of tears pour citer ceux que la critique a le moins ménagé, on trouvait des fulgurances qui laissaient à penser que le « Maestro » n'avait pas flingué tout son talent. Alors, même si Giallo était édité directement en DVD chez nous deux ans après sa sortie en Italie, j'avais envie de garder espoir. Même s'il débarquait dans les bacs précédé d'une rumeur catastrophique, je voulais croire en la bonne surprise.

Hélas, le plantage est bien total. La jaquette nous vend « le retour au sources du Maître de l'épouvante ». Alors soit on crie à la publicité mensongère, soit on pleure d'assister ainsi au déclin d'un réalisateur qui a renoncé à tout ce qui a fait la force de son œuvre. Je préfère rester optimiste et pencher pour la première explication. Car Dario Argento n'est pas à l'origine du scénario. Derrière cette abomination se cachent deux américains, Jim Agnew et Sean Keller. Sous prétexte de rendre hommage aux gialli, ils ont commis ce « Yellow » que personne n'a voulu produire à Hollywood. Leur script a alors traversé l'Atlantique pour atterrir chez Hannibal Pictures qui l'a soumis à Dario Argento. Dans un moment d'égarement, sans doute, celui-ci a accepté de le porter à l'écran après avoir proposé quelques aménagements dans l'intrigue, ce qui explique qu'Argento est crédité en tant que co-scénariste.

Penchons nous sur ce fameux -fumeux conviendrait mieux- hommage. Le b.a.-ba quand ont veut caresser le giallo dans le sens du poil, c'est de reprendre ses codes. A commencer par le tueur aux mains gantées de cuir. Mais ce « détail » semble avoir échappé à Agnew et Keller. Le trauma enfantin répond présent mais les fausses pistes ont déserté. Le visage de l'assassin nous est dévoilé à la moitié du métrage et c'est d'ailleurs quand sa « particularité » est révélée que l'on abandonne tout espoir. On retrouve bien les jeunes filles occises à l'arme blanche mais, à l'écran, les meurtres restent hors-champ. Oubliées les demoiselles traquées par un psychopathe, cherchant à trouver une issue de secours dans un décor qui devient un personnage à part entière. Là, les victimes sont ligotées dès le début. On est donc loin des scènes chocs qu'offraient L'Oiseau au plumage de cristal ou Les Frissons de l'angoisse. En revanche, on a l'impression que la pellicule a été contaminée par un de ces débectant torture-porn ainsi que par toute une esthétique télévisuelle policière à l'américaine.

/ DR
Le scénario exploite d'ailleurs moins l'enquête sur l'identité du tueur qu'une course contre la montre pour retrouver une jeune fille kidnappée et dont la vie est en danger. Elsa Pataki, recrutée pour ce rôle, ne parvient même pas à apparaître comme une scream queen débutante crédible. Sa sœur, Céline, est jouée par Emmanuelle Seigner qui tente de nous faire gober qu'elle se fait du mouron pour sa cadette. Elle colle aux basques d'un flic américain auquel Adrien Brody essaie de donner un semblant de crédibilité mais ne prend pas le soin d'éviter d'en faire des tonnes.
Bref, tout dans ce film part en roue libre et le spectateur, lui, trouve vraiment le temps long. Il paraît que, lors de la postproduction, Dario Argento a abandonné le banc de montage. C'est dire si le résultat s'annonçait glorieux. Un conseil : mieux vaut tenir éloignée cette galette de votre lecteur DVD pour vous épargner un spectacle affligeant. Ce qui est terrible, c'est que le nouveau projet sur lequel planche Argento, un Dracula en 3D, me fait maintenant vraiment flipper. Mais pas pour les bonnes raisons.





Giallo
Italie, 2009.
Réalisé par : Dario Argento. Avec : Adrien Brody, Emmanuelle Seigner, Elsa Pataky...

dimanche 29 mai 2011

Le Complexe du castor

© SND
Haut la main, Le Complexe du castor pourrait emporter le prix du pitch WTF de l'année. « Walter, quinqua suicidaire, tente de surmonter sa dépression en communiquant uniquement au travers d'une marionnette de castor dénichée dans une benne à ordure » Etonnant, non ? Suffisamment pour se retrouver dans la Black List de 2009, cette fameuse enquête qui distingue chaque année les scénarios les plus plébiscités à Hollywood sans qu'ils soient pour autant entrés en production. Forcément, s'il est aujourd'hui sur les écrans c'est qu'il a trouvé preneur. Un temps, Jay Roach (Mon beau père et moi...) s'y est intéressé, en imaginant Jim Carrey dans le costume trois pièces de Walter. Puis, David O. Russel (Les rois du désert, Fighter...) s'en est approché avant de tourner le dos : trop risqué. Ce qui laissait le champ libre à Jodie Foster, emballée par le projet dès qu'elle en a eu vent. Un coup de fil à son vieux pote Mel Gibson et, 24 heures, soit une lecture de scénario, plus tard, la tête d'affiche était trouvée. Grosso modo, c'est ainsi que les choses se sont déroulées.

Manque de bol, comme si le script n'était pas en lui-même suffisamment périlleux, les déboires de l'acteur principal ont corsé la post-production. 2010, annus horribilis pour Mel Gibson. Sa trogne a trusté les une des tabloïds après que son ex-compagne a rendu public des enregistrements téléphoniques. On y entendait la star déverser de violentes menaces envers elle entre deux propos racistes. Face à la justice, il s'en tirera avec trois ans de mise à l'épreuve et une injonction à suivre un programme de gestion de la violence. Evidemment, pour la promo, ça la fout mal. Du coup, la sortie du Complexe du castor, initialement prévue l'an passé, a été repoussée à maintes reprises.

Cette gestation chaotique ajoute à la singularité de ce film bancal et désarçonnant. L'argument de départ laisse présager une comédie grossière, mais cela ne colle pas avec une Jodie Foster derrière la caméra. Résultat, la première partie est teintée d'humour, mais c'est l'amertume qui prédomine, comme dans le Mister Schmidt, d'Alexander Payne. Et puis, brusquement, le ton se fait encore plus sombre, plus inquiétant, plus violent. La marionnette trop mignonne devient trop flippante. On se délecte de voir la comédie familiale dégénérer en délire psychotique. Malheureusement les bons sentiments finissent par ressurgir avec une énième scène de discours en public où on dit des trucs 'ach'ment importants sur le sens de la vie qui font réfléchir à notre condition d'être mortel.

Malgré cette réserve, Le Complexe du castor est une excellente surprise. Mel Gibson ne se ramasse jamais, malgré son rôle casse-gueule. Lui que l'on n'avait pas vu aussi convainquant à l'écran depuis longtemps (depuis quand, d'ailleurs ?) reste debout qu'il surfe sur le registre humoristique ou sur une partition plus émotionnelle. Un dernier mot sur l'intrigue secondaire qui révèle le talent d'Anton Yelchin -qui joue le fils de Walter- et permet de retrouver Jennifer Lawrence (Winter's bone), en pom-pom girl intello. Ce versant sentimental, certes un brin convenu, contribue à rendre ce film particulièrement attachant.




Le Complexe du castor
(The Beaver)
Etats-Unis, 2011.
Réalisé par : Jodie Foster. Avec : Mel Gibson, Jodie Foster, Anton Yelchin, Jennifer Lawrence...

samedi 28 mai 2011

Le Gamin au vélo

© Christine Plenus
Avec Le Gamin au vélo, les frères Dardenne polissent une nouvelle facette de leur cinéma, celle de l'optimisme. Du moins, d'un relatif optimisme. Tourné en été -une première- leur dernier film, reparti de Cannes avec le Grand prix, est baigné de soleil. Cécile de France -qu'une « star » établie figure au générique des frangins est aussi une nouveauté- y est radieuse en coiffeuse prête à jouer les mères de substitution. Surtout, le dernier plan laisse place à une interprétation pleine d'espoir. Cependant, on n'est pas non plus dans le joli monde des Teletubbies et l'histoire de ce gamin au vélo a tout d'un mélo lacrymal. C'est celle de Cyril, 12 ans, qui s'échappe de son foyer pour retrouver son père démissionnaire. Ce dernier n'est pas prêt à assumer ses responsabilités et continue de lui tourner obstinément le dos. C'est chez Samantha, une jeune coiffeuse que le hasard a placé sur son chemin, que Cyril va trouver l'affection. Mais en passant ses week-end chez elle, il s'approche aussi des mauvaises fréquentations.

On n'est donc pas là pour rigoler. Cependant, plutôt que de soutirer nos larmes à grands renfort d'effets de pathos, les Dardenne misent sur la retenue et sur leurs acteurs. Thomas Doret, dans le rôle titre, laisse pantois de naturel et de maturité. Rares sont les enfants acteurs qui ne donnent pas l'impression d'être de gentils singes savants. Zoé Héran, dans le récent Tomboy, produisait le même sentiment. Heureuses exceptions. Cécile de France, elle, paraît parfaitement à l'aise dans les fringues un brin cheap de cette coiffeuse de la province wallonne. Et le lien qui se noue, sous nos yeux, entre les deux personnages semble une évidence. Ce qui frappe dans ce film c'est aussi la gestion du rythme. Tout va très vite, à l'image de Cyril qui fend le vent sur son vélo. Aucune fioriture ne vient ralentir l'intrigue. De fait, l'histoire nous est contée en moins d'une heure et demi (1h27 chrono), sans que l'on ait eu le temps de voir poindre l'ennui.
Le Gamin au vélo n'est peut-être pas le chef d'œuvre auquel certains ont crié dans un élan d'enthousiasme mais sa vivacité fait plaisir à voir. Avec ce petit gars qui prend des coups -au propre, comme au figuré- mais se relève toujours les Dardenne ont (presque) signé un feel-good movie. Non, quand même pas.




Le Gamin au vélo
Belgique, 2011.
Réalisé par : Jean-Pierre et Luc Dardenne. Avec : Thomas Doret, Cécile de France, Jérémie Renier ...

mercredi 25 mai 2011

La Conquête

© Emilie de la Hosseraye / Mandarin Cinema - Gaumont 2011

La Conquête fait pschitt. On nous le vendait comme un film-événement, on se retrouve face à un docu-réalité de luxe (Denis Podalydès, de la Comédie-Française, oblige). Et encore, qu’apprend-on là-dedans que l’on ne sache déjà ? Rien. Aucune révélation sulfureuse, le scénario de Patrick Rotman est avant tout un condensé de saillies assassines. Les piques sardoniques sont souvent délectables, mais ce programme est un peu court. Le film se cantonne aux ors de la République, QG de campagne et logements de fonction. Il ne s’aventure dans la France « d’en bas » qu’à l’occasion d’une rapide visite du candidat Sarkozy à des ouvriers.

Le pilote-automatique a été enclenché pour une balade dans une sorte de mémoire collective immédiate. Nicolas qui fait le beau à vélo, Nicolas qui demande des résultats, des résultats et des résultats aux policiers, Nicolas en tête-à-tête avec Villepin à La Baule. Tout au long du parcours résonnent les petites phrases assassines qui ont alimenté les gazettes. Coups bas, rancœurs et doubles discours hypocrites tricotent donc la trame de cette molle satire. Pendant que, dans le même temps, les liens du couple Nicolas/Cécilia s’effilochent. Car La Conquête est aussi le récit d’une défaite amoureuse. Quand Durringer nous sert son Sarkozy de fiction sacrifiant sa vie privée pour accomplir la destinée présidentielle dont il est convaincu, on est en plein psychodrame. La scène de la dispute conjugale noyée sous un flot de musique est assez embarrassante. En dehors des addicts aux Feux de l’amour qui devraient trouver ce spectacle éprouvant, on conviendra que c’est juste l’histoire d’un mec qui se fait plaquer.

© Emilie de la Hosseraye / Mandarin Cinema - Gaumont 2011
Voir La conquête, c’est aussi devenir membre d’un jury de concours de sosie. Certains trouveront ça ludique. Or, c’est l’une des faiblesses majeures du film. A chaque apparition d’une figure connue se pose la question de l’incarnation crédible ou non. Bernard Le Coq semble parfaitement à l’aise dans le costume de Chirac. Tout comme Hippolyte Girardot, plutôt ressemblant en Claude Géant. On ne peut pas en dire autant de Michèle Moretti, crédible en Bernadette jusqu’à ce qu’elle ouvre la bouche ou de Saïda Jawad, sous-exploitée en Rachida Dati. Même constat pour Florence Pernel et sa Cécilia de soap-opéra. Ne loupez pas sa moue gênée (irritée ? difficile de savoir avec un jeu aussi nuancé) quand, occupée à envoyer un SMS à son amant, son ministre de mari vient la déranger.

Quant à Denis Podalydès, il fait ce qu’il peut entre mimétisme –parvenant par endroits à capter quasi-parfaitement les intonations de son modèle- et interprétation libre. Le challenge était délicat, la mission n’est qu’à demi-réussie. En revanche, il excelle à rendre Nicolas Sarkozy sympathique. « C’est tout bénef pour nous », se réjouissait récemment un membre de l’entourage présidentiel dans Le Parisien/Aujourd'hui en France. Après le label des spectateurs UGC, le label des spectateurs UMP ? Dominique de Villepin, lui, écope du mauvais rôle. C’est lui qui passe pour un arriviste frustré, faux-cul et manipulateur prêt à tout pour avoir la tête de son rival politique. De la gauche, il n’est quasiment pas question. Hormis deux allusions à Ségolène Royal. D’ailleurs, dans la catégorie faux-jeton revanchard, on délivrera une mention spéciale à Dominique Besnehard. Dans le rôle de Pierre Charron, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, il a trouvé sa catharsis. S’ils étaient déjà brouillés depuis plusieurs années, lui et la candidate socialiste de 2007 ne se réconcilieront pas de sitôt.

Comme il est beaucoup question dans ce film de couilles et de débauche de vulgarités qui font bien viril, il aurait été appréciable que cette farce en ait beaucoup plus dans le falzar. Car au-delà des considérations anecdotiques (les petites phrases), l’ensemble tourne rapidement à vide. Et comme dirait l’autre, cela à de quoi « en touche[r] une sans faire bouger l’autre ».





La Conquête
France, 2011.
Réalisé par : Xavier Durringer. Avec : Denis Podalydès, Florence Pernel, Bernard Le Coq, Samuel Labarthe ...

mardi 17 mai 2011

The Tree of life

© EuropaCorp Distribution
Pas de consensus mou pour The Tree of life ! Des uns crient au génie, d’autres, à l’imposture, mais ce qui est sûr, c’est que le cinquième long de Terrence Malick ne cherche pas à plaire à tout prix. Il ne prend jamais le spectateur par le bras, ne se veut jamais faussement aimable. Si on se laisse embarquer dans ce trip métaphysico-poétique, tant mieux. Si on reste à quai, tant pis.

On retrouve les principales caractéristiques du cinéma contemplatif de Malick : la nature, les éléments, la spiritualité, la beauté des plans, la force des images. Mais le réalisateur effectue un pas (une foulée, même) supplémentaire vers davantage de radicalité. D’un côté, il y a Jack. Aîné d’une fratrie, il a grandi dans l’Amérique pavillonnaire des 50’s, entre une mère bienveillante et un père partisan d’une éducation à la dure. Un drame emportera l’un de ses frères. De l’autre, il y a... Quoi, au juste ? Des cellules, des volcans en éruption, des dinosaures. Une espèce d’imagier de la Création qui surgit dix minutes à peine après le début du film. De quoi désarçonner le spectateur ne voulant se fatiguer à tenter de comprendre le sens de cette digression. Puis l’on retrouve la famille, ses petites histoires et la question qui turlupine Jack : pourquoi ferai-je ce que me dit mon père s’il n’applique pas ses principes à lui-même ? A vrai dire, cette trame intime n’a qu’un intérêt tout relatif.

Alors, le ton emphatique est susceptible d’agacer et l’on peut rester circonspect face aux envolées New Age, mais The Tree of life est traversé de telles fulgurances visuelles et bouffées d’émotions symphoniques qu’il restera immanquablement en mémoire comme un objet fascinant.





The Tree of life
Etats-Unis, 2011.
Réalisé par : Terrence Malick. Avec : Brad Pitt, Jessica Chastain, Sean Penn ...