jeudi 18 août 2011

Melancholia

/ Les Films du Losange
Claire et son mari accueillent, dans leur maison bourgeoise, la réception du mariage de Justine, la sœur de Claire, et Michael. Pendant ce temps, la planète Melancholia s'approche de la Terre.

Le prologue au cours duquel des tableaux s'animent au ralenti sur fond de "Tristan et Isolde" de Wagner plonge immédiatement le spectateur dans l'ambiance. Cette introduction, d'une grande beauté visuelle, met en scène les personnages principaux. Chaque image trouvera un écho et fera sens dans la suite du film. Dès le début également, tout suspense est levé quant à la catastrophe. C'est en sachant que la collision n'a pu être évitée que l'on suit ces portraits de femmes.

/ Les Films du Losange
Chaque sœur a droit à sa propre partie, chacune d'égale durée. Pourtant, la première, consacrée à Justine semble plus longue. Une impression sans doute due à son caractère choral : elle se déroule lors d'un mariage de Justine. Parce que le chemin est trop étroit pour la Limousine qu'ils ont louée - très jolie séquence-, les jeunes mariés arrivent en retard à la réception. Sur le péron, Claire, les accueille sans cacher son exaspération. Ce qui devait être un mariage en grande pompe tourne en fiasco événementiel. Les caractères se révèlent peu à peu. Et, malgré le faste et les apparences, la famille de Justine est loin de composer un tableau lisse. Une mère acariâtre, un père qui se la joue copain pour mieux prendre la fuite, un beau-frère aimant rappeler les sommes investies dans l'organisation du mariage...
Peu à peu le vernis s'écaille et Justine a de plus en plus de mal à lutter contre sa dépression, à l'empêcher de transparaître. Lars von Trier a mis beaucoup de lui même dans ce personnage incarné par Kirsten Dunst -qui, par les nuances apportées à son jeu, méritait amplement le prix d'interprétation cannois. Il n'en n'a pas fait mystère : lui aussi a connu les affres de la dépression. Et jamais sans doute, un film n'avait approché de si près la réalité d'un tel état. Cette première partie, sorte de comédie de mœurs, montre le délitement d'un univers d'apparences. Autrement dit, l'apocalypse d'un petit monde bourgeois.

/ Les Films du Losange
Un second chapitre s'ouvre alors, celui de l'apocalypse atout court. Dans la première partie, la présence et l'évolution de la planète Melancholia n'était que suggérée. C'est autour d'elle que le deuxième acte se construit, comme un négatif du précédent. Les tons froids et bleutés répondent aux tons chauds du premier mouvement, le cadre intimiste -cinq personnages- succède au récit choral. On retrouve Justine, mais c'est sa sœur, Claire, qui est mise en avant. Toujours dans cette logique de décalque en négatif, c'est elle qui va perdre pied alors que, dans l'imminence de la catastrophe, Justine trouvera un certain apaisement. Si l'on enlève les ultimes -puissantes- secondes, Lars von Trier traite cette fin du monde sans insister sur le spectaculaire. Il y a bien sûr ces plans saisissants où les personnages évaluent la progression de la planète menaçante au travers d'un ingénieux bricolage en fil de fer ou cette neige qui se met subitement à tomber alors que les deux sœurs cueillent des fruits au jardin, mais c'est principalement dans une atmosphère cotonneuse et silencieuse que se déroulent les événements. Ce qui aura pour effet de renforcer l'impact du crescendo émotionnel final.

Melancholia diffuse un pessimisme résigné, à l'image de Justine qui sait que la Fin est inéluctable et qu'elle ne peut rien y faire. Claire, elle, n'a que le mot "bonheur" à la bouche. Un but ultime qu'elle poursuivra même en sachant son sort scellé, ce qui lui vaudra des remarques cruelles de sa sœur, qui, elle, a depuis longtemps fait une croix sur le concept de bonheur. In extrémis, la conclusion, apporte un semblant de réconciliation en forme de communion. Lars von Trier laisse alors, si la "magie" a opéré, le spectateur bien seul dans son fauteuil. Dans un état de tristesse vague et indéfinie, soit la définition de la mélancolie.

Melancholia
Allemagne, Danemark, France, Suède, 2011.
Réalisé par : Lars von Trier. Avec : Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland...

>> Film au programme du Festival d'été.