samedi 6 août 2011

Catfish

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J'ai profité de mon séjour dans les îles anglo-normandes -Jersey et Guernesey- pour faire le plein de DVD introuvables en France. Parmi eux, celui de Catfish, un documentaire de 2010, toujours inédit dans l'Hexagone. Aucune date de sortie, même directement en DVD, n'a encore été annoncée chez nous. Pourtant, la bande annonce a de quoi intriguer.


Catfish commence donc comme un documentaire sur une relation virtuelle. Tout débute le jour où Nev Schulman, photographe new-new-yorkais, reçoit une toile, signée Abby, reproduisant l'un de ses clichés paru dans un journal. Abby Pierce a huit ans et vit dans le Michigan. Bluffé par son talent, le jeune homme lui envoie d'autres photos pour qu'elle lui livre d'autres tableaux. Une sorte de relation amicale se noue entre eux. C'est à ce moment là qu'Ariel, le frère de Nev, et Henry Joost, tous deux réalisateurs décident de consacrer un docu à la petite génie des pinceaux. Alexandra, la mère d'Abby, et Nev se téléphonent régulièrement. Puis, les contacts se prolongent sur Facebook où le vingtenaire élargit sa liste de "friends" à toute la famille Pierce. Notamment à la grande sœur, Megan, 19 ans et, d'après son profil, "célibataire". Elle n'a pas envie de le rester à en croire les messages sans équivoque qu'elle laisse sur le compte de Nev. Le flirt par claviers interposés ronronne plusieurs mois jusqu'au jour où Megan commet une gaffe qui pousse le jeune homme à vouloir la rencontrer. Dans la vraie vie.
Pour apprécier au mieux Catfish, il est préférable d'en savoir le moins possible. Aussi, je vous conseille de ne pas poursuivre la lecture de cette note -que je garantis pourtant sans véritable spoiler- et de vous procurer ce documentaire au plus vite.

Je continue donc pour ceux qui veulent en savoir plus. Comme le laisse penser la bande annonce, la chronique gentillette du plan drague 2.0 vire en thriller. La deuxième partie du film en déploie une partie de la mécanique -enquête sur des mensonges, virée nocturne en pleine cambrousse, rencontres en caméra cachée, etc.- avec une réelle efficacité. En matière de suspense, cela faisait longtemps que je n'avais pas été aussi scotché. Sans que l'on s'en aperçoive, on glisse dans le troisième acte tout aussi secouant que complètement inattendu. Cette imprévisibilité, qui ne manquera pourtant pas de faire des déçus, est ce qui permet à Catfish de se hisser dans une catégorie supérieure à celle des films malins mais vite oubliés.
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Bien sûr, le film évoque les thèmes du vrai, du faux, du mensonge et des apparences. Il questionne également sur la pratique des réseaux sociaux, et, plus largement, sur notre société où les écrans sont omniprésents. Le premier tiers, en plus des images vidéo, est constitué de captures d'écrans d'ordinateurs, de films postés sur Youtube, de lieux localisés sur Google Maps et visualisés sur Google Earth, de trajets matérialisés sur GPS, de tous ces écrans qui font écran et qui, dans une mise en abyme, nous parviennent à leur tour projetés sur un écran -celui de la salle de cinéma ou de télévision.
N'importe quel spectateur disposant d'un compte Facebook s'identifiera, ne serait-ce que très partiellement, à Nev. A fortiori s'il compte parmi ses "amis" des personnes dont il ne connaît que quelques centres d'intérêts, des visages qu'il n'a jamais croisés et des profils peut-être bidons. "Que cherche-t-on véritablement en surfant sur ces réseaux sociaux ? " est l'une des questions que pose le film. Un film qui joue lui même le jeu du vrai, du faux, de la réalité, de la fiction, des apparences trompeuses. Un film qui n'est pas lui-même ce dont il à l'air. La boucle est bouclée.


Catfish
Etats-Unis, 2010.
Réalisé par : Ariel Schulman et Henry Joost. Avec : Yaniv Schulman, Ariel Schulman...