samedi 28 mai 2011

Le Gamin au vélo

© Christine Plenus
Avec Le Gamin au vélo, les frères Dardenne polissent une nouvelle facette de leur cinéma, celle de l'optimisme. Du moins, d'un relatif optimisme. Tourné en été -une première- leur dernier film, reparti de Cannes avec le Grand prix, est baigné de soleil. Cécile de France -qu'une « star » établie figure au générique des frangins est aussi une nouveauté- y est radieuse en coiffeuse prête à jouer les mères de substitution. Surtout, le dernier plan laisse place à une interprétation pleine d'espoir. Cependant, on n'est pas non plus dans le joli monde des Teletubbies et l'histoire de ce gamin au vélo a tout d'un mélo lacrymal. C'est celle de Cyril, 12 ans, qui s'échappe de son foyer pour retrouver son père démissionnaire. Ce dernier n'est pas prêt à assumer ses responsabilités et continue de lui tourner obstinément le dos. C'est chez Samantha, une jeune coiffeuse que le hasard a placé sur son chemin, que Cyril va trouver l'affection. Mais en passant ses week-end chez elle, il s'approche aussi des mauvaises fréquentations.

On n'est donc pas là pour rigoler. Cependant, plutôt que de soutirer nos larmes à grands renfort d'effets de pathos, les Dardenne misent sur la retenue et sur leurs acteurs. Thomas Doret, dans le rôle titre, laisse pantois de naturel et de maturité. Rares sont les enfants acteurs qui ne donnent pas l'impression d'être de gentils singes savants. Zoé Héran, dans le récent Tomboy, produisait le même sentiment. Heureuses exceptions. Cécile de France, elle, paraît parfaitement à l'aise dans les fringues un brin cheap de cette coiffeuse de la province wallonne. Et le lien qui se noue, sous nos yeux, entre les deux personnages semble une évidence. Ce qui frappe dans ce film c'est aussi la gestion du rythme. Tout va très vite, à l'image de Cyril qui fend le vent sur son vélo. Aucune fioriture ne vient ralentir l'intrigue. De fait, l'histoire nous est contée en moins d'une heure et demi (1h27 chrono), sans que l'on ait eu le temps de voir poindre l'ennui.
Le Gamin au vélo n'est peut-être pas le chef d'œuvre auquel certains ont crié dans un élan d'enthousiasme mais sa vivacité fait plaisir à voir. Avec ce petit gars qui prend des coups -au propre, comme au figuré- mais se relève toujours les Dardenne ont (presque) signé un feel-good movie. Non, quand même pas.




Le Gamin au vélo
Belgique, 2011.
Réalisé par : Jean-Pierre et Luc Dardenne. Avec : Thomas Doret, Cécile de France, Jérémie Renier ...

mercredi 25 mai 2011

La Conquête

© Emilie de la Hosseraye / Mandarin Cinema - Gaumont 2011

La Conquête fait pschitt. On nous le vendait comme un film-événement, on se retrouve face à un docu-réalité de luxe (Denis Podalydès, de la Comédie-Française, oblige). Et encore, qu’apprend-on là-dedans que l’on ne sache déjà ? Rien. Aucune révélation sulfureuse, le scénario de Patrick Rotman est avant tout un condensé de saillies assassines. Les piques sardoniques sont souvent délectables, mais ce programme est un peu court. Le film se cantonne aux ors de la République, QG de campagne et logements de fonction. Il ne s’aventure dans la France « d’en bas » qu’à l’occasion d’une rapide visite du candidat Sarkozy à des ouvriers.

Le pilote-automatique a été enclenché pour une balade dans une sorte de mémoire collective immédiate. Nicolas qui fait le beau à vélo, Nicolas qui demande des résultats, des résultats et des résultats aux policiers, Nicolas en tête-à-tête avec Villepin à La Baule. Tout au long du parcours résonnent les petites phrases assassines qui ont alimenté les gazettes. Coups bas, rancœurs et doubles discours hypocrites tricotent donc la trame de cette molle satire. Pendant que, dans le même temps, les liens du couple Nicolas/Cécilia s’effilochent. Car La Conquête est aussi le récit d’une défaite amoureuse. Quand Durringer nous sert son Sarkozy de fiction sacrifiant sa vie privée pour accomplir la destinée présidentielle dont il est convaincu, on est en plein psychodrame. La scène de la dispute conjugale noyée sous un flot de musique est assez embarrassante. En dehors des addicts aux Feux de l’amour qui devraient trouver ce spectacle éprouvant, on conviendra que c’est juste l’histoire d’un mec qui se fait plaquer.

© Emilie de la Hosseraye / Mandarin Cinema - Gaumont 2011
Voir La conquête, c’est aussi devenir membre d’un jury de concours de sosie. Certains trouveront ça ludique. Or, c’est l’une des faiblesses majeures du film. A chaque apparition d’une figure connue se pose la question de l’incarnation crédible ou non. Bernard Le Coq semble parfaitement à l’aise dans le costume de Chirac. Tout comme Hippolyte Girardot, plutôt ressemblant en Claude Géant. On ne peut pas en dire autant de Michèle Moretti, crédible en Bernadette jusqu’à ce qu’elle ouvre la bouche ou de Saïda Jawad, sous-exploitée en Rachida Dati. Même constat pour Florence Pernel et sa Cécilia de soap-opéra. Ne loupez pas sa moue gênée (irritée ? difficile de savoir avec un jeu aussi nuancé) quand, occupée à envoyer un SMS à son amant, son ministre de mari vient la déranger.

Quant à Denis Podalydès, il fait ce qu’il peut entre mimétisme –parvenant par endroits à capter quasi-parfaitement les intonations de son modèle- et interprétation libre. Le challenge était délicat, la mission n’est qu’à demi-réussie. En revanche, il excelle à rendre Nicolas Sarkozy sympathique. « C’est tout bénef pour nous », se réjouissait récemment un membre de l’entourage présidentiel dans Le Parisien/Aujourd'hui en France. Après le label des spectateurs UGC, le label des spectateurs UMP ? Dominique de Villepin, lui, écope du mauvais rôle. C’est lui qui passe pour un arriviste frustré, faux-cul et manipulateur prêt à tout pour avoir la tête de son rival politique. De la gauche, il n’est quasiment pas question. Hormis deux allusions à Ségolène Royal. D’ailleurs, dans la catégorie faux-jeton revanchard, on délivrera une mention spéciale à Dominique Besnehard. Dans le rôle de Pierre Charron, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, il a trouvé sa catharsis. S’ils étaient déjà brouillés depuis plusieurs années, lui et la candidate socialiste de 2007 ne se réconcilieront pas de sitôt.

Comme il est beaucoup question dans ce film de couilles et de débauche de vulgarités qui font bien viril, il aurait été appréciable que cette farce en ait beaucoup plus dans le falzar. Car au-delà des considérations anecdotiques (les petites phrases), l’ensemble tourne rapidement à vide. Et comme dirait l’autre, cela à de quoi « en touche[r] une sans faire bouger l’autre ».





La Conquête
France, 2011.
Réalisé par : Xavier Durringer. Avec : Denis Podalydès, Florence Pernel, Bernard Le Coq, Samuel Labarthe ...