lundi 30 mai 2011

Giallo

/ DR
Dario Argento est sans conteste le réalisateur pour lequel j'ai le plus d'indulgence. Même dans ses films les plus décriés, Le Fantôme de l'Opéra, The Card player ou Mother of tears pour citer ceux que la critique a le moins ménagé, on trouvait des fulgurances qui laissaient à penser que le « Maestro » n'avait pas flingué tout son talent. Alors, même si Giallo était édité directement en DVD chez nous deux ans après sa sortie en Italie, j'avais envie de garder espoir. Même s'il débarquait dans les bacs précédé d'une rumeur catastrophique, je voulais croire en la bonne surprise.

Hélas, le plantage est bien total. La jaquette nous vend « le retour au sources du Maître de l'épouvante ». Alors soit on crie à la publicité mensongère, soit on pleure d'assister ainsi au déclin d'un réalisateur qui a renoncé à tout ce qui a fait la force de son œuvre. Je préfère rester optimiste et pencher pour la première explication. Car Dario Argento n'est pas à l'origine du scénario. Derrière cette abomination se cachent deux américains, Jim Agnew et Sean Keller. Sous prétexte de rendre hommage aux gialli, ils ont commis ce « Yellow » que personne n'a voulu produire à Hollywood. Leur script a alors traversé l'Atlantique pour atterrir chez Hannibal Pictures qui l'a soumis à Dario Argento. Dans un moment d'égarement, sans doute, celui-ci a accepté de le porter à l'écran après avoir proposé quelques aménagements dans l'intrigue, ce qui explique qu'Argento est crédité en tant que co-scénariste.

Penchons nous sur ce fameux -fumeux conviendrait mieux- hommage. Le b.a.-ba quand ont veut caresser le giallo dans le sens du poil, c'est de reprendre ses codes. A commencer par le tueur aux mains gantées de cuir. Mais ce « détail » semble avoir échappé à Agnew et Keller. Le trauma enfantin répond présent mais les fausses pistes ont déserté. Le visage de l'assassin nous est dévoilé à la moitié du métrage et c'est d'ailleurs quand sa « particularité » est révélée que l'on abandonne tout espoir. On retrouve bien les jeunes filles occises à l'arme blanche mais, à l'écran, les meurtres restent hors-champ. Oubliées les demoiselles traquées par un psychopathe, cherchant à trouver une issue de secours dans un décor qui devient un personnage à part entière. Là, les victimes sont ligotées dès le début. On est donc loin des scènes chocs qu'offraient L'Oiseau au plumage de cristal ou Les Frissons de l'angoisse. En revanche, on a l'impression que la pellicule a été contaminée par un de ces débectant torture-porn ainsi que par toute une esthétique télévisuelle policière à l'américaine.

/ DR
Le scénario exploite d'ailleurs moins l'enquête sur l'identité du tueur qu'une course contre la montre pour retrouver une jeune fille kidnappée et dont la vie est en danger. Elsa Pataki, recrutée pour ce rôle, ne parvient même pas à apparaître comme une scream queen débutante crédible. Sa sœur, Céline, est jouée par Emmanuelle Seigner qui tente de nous faire gober qu'elle se fait du mouron pour sa cadette. Elle colle aux basques d'un flic américain auquel Adrien Brody essaie de donner un semblant de crédibilité mais ne prend pas le soin d'éviter d'en faire des tonnes.
Bref, tout dans ce film part en roue libre et le spectateur, lui, trouve vraiment le temps long. Il paraît que, lors de la postproduction, Dario Argento a abandonné le banc de montage. C'est dire si le résultat s'annonçait glorieux. Un conseil : mieux vaut tenir éloignée cette galette de votre lecteur DVD pour vous épargner un spectacle affligeant. Ce qui est terrible, c'est que le nouveau projet sur lequel planche Argento, un Dracula en 3D, me fait maintenant vraiment flipper. Mais pas pour les bonnes raisons.





Giallo
Italie, 2009.
Réalisé par : Dario Argento. Avec : Adrien Brody, Emmanuelle Seigner, Elsa Pataky...

dimanche 29 mai 2011

Le Complexe du castor

© SND
Haut la main, Le Complexe du castor pourrait emporter le prix du pitch WTF de l'année. « Walter, quinqua suicidaire, tente de surmonter sa dépression en communiquant uniquement au travers d'une marionnette de castor dénichée dans une benne à ordure » Etonnant, non ? Suffisamment pour se retrouver dans la Black List de 2009, cette fameuse enquête qui distingue chaque année les scénarios les plus plébiscités à Hollywood sans qu'ils soient pour autant entrés en production. Forcément, s'il est aujourd'hui sur les écrans c'est qu'il a trouvé preneur. Un temps, Jay Roach (Mon beau père et moi...) s'y est intéressé, en imaginant Jim Carrey dans le costume trois pièces de Walter. Puis, David O. Russel (Les rois du désert, Fighter...) s'en est approché avant de tourner le dos : trop risqué. Ce qui laissait le champ libre à Jodie Foster, emballée par le projet dès qu'elle en a eu vent. Un coup de fil à son vieux pote Mel Gibson et, 24 heures, soit une lecture de scénario, plus tard, la tête d'affiche était trouvée. Grosso modo, c'est ainsi que les choses se sont déroulées.

Manque de bol, comme si le script n'était pas en lui-même suffisamment périlleux, les déboires de l'acteur principal ont corsé la post-production. 2010, annus horribilis pour Mel Gibson. Sa trogne a trusté les une des tabloïds après que son ex-compagne a rendu public des enregistrements téléphoniques. On y entendait la star déverser de violentes menaces envers elle entre deux propos racistes. Face à la justice, il s'en tirera avec trois ans de mise à l'épreuve et une injonction à suivre un programme de gestion de la violence. Evidemment, pour la promo, ça la fout mal. Du coup, la sortie du Complexe du castor, initialement prévue l'an passé, a été repoussée à maintes reprises.

Cette gestation chaotique ajoute à la singularité de ce film bancal et désarçonnant. L'argument de départ laisse présager une comédie grossière, mais cela ne colle pas avec une Jodie Foster derrière la caméra. Résultat, la première partie est teintée d'humour, mais c'est l'amertume qui prédomine, comme dans le Mister Schmidt, d'Alexander Payne. Et puis, brusquement, le ton se fait encore plus sombre, plus inquiétant, plus violent. La marionnette trop mignonne devient trop flippante. On se délecte de voir la comédie familiale dégénérer en délire psychotique. Malheureusement les bons sentiments finissent par ressurgir avec une énième scène de discours en public où on dit des trucs 'ach'ment importants sur le sens de la vie qui font réfléchir à notre condition d'être mortel.

Malgré cette réserve, Le Complexe du castor est une excellente surprise. Mel Gibson ne se ramasse jamais, malgré son rôle casse-gueule. Lui que l'on n'avait pas vu aussi convainquant à l'écran depuis longtemps (depuis quand, d'ailleurs ?) reste debout qu'il surfe sur le registre humoristique ou sur une partition plus émotionnelle. Un dernier mot sur l'intrigue secondaire qui révèle le talent d'Anton Yelchin -qui joue le fils de Walter- et permet de retrouver Jennifer Lawrence (Winter's bone), en pom-pom girl intello. Ce versant sentimental, certes un brin convenu, contribue à rendre ce film particulièrement attachant.




Le Complexe du castor
(The Beaver)
Etats-Unis, 2011.
Réalisé par : Jodie Foster. Avec : Mel Gibson, Jodie Foster, Anton Yelchin, Jennifer Lawrence...