vendredi 13 mai 2011

L'oeil invisible

© Pyramide Distribution
Argentine, mars 1982. Maria Teresa est surveillante au Lycée national de Buenos Aires. Dans ce cadre austère et rigoriste, elle est l’œil invisible qui traque le moindre faux pas. Chemise mal-boutonnée, tract politique circulant sous le manteau, baiser échangé derrière un pilier… rien n’échappe à son zèle. Un jour, son regard se pose sur un élève, Marini, dont elle semble tomber amoureuse en un clin d’œil. L’attirance de la jeune fille pour ce garçon tourne peu à peu à l’obsession. Dans le même temps, le surveillant général, Carlos Biasutto, s’est entiché de Maria Teresa et ses appels du pied se font de plus en plus pressants.

Diego Lerman est né le 24 mars 1976, le jour du coup d’Etat de Videla qui allait imposer la junte militaire au pouvoir pour sept années. Le film se déroule sur une période relativement courte, en mars 1982, alors que la colère du peuple gronde dans les rues de Buenos-Aires.  Mais plutôt que de traiter frontalement la dictature et de montrer la révolte populaire, le jeune réalisateur se focalise sur une poignée de personnages et recourt aux figures de styles. Synecdoques, métaphores, allégories… Maria Teresa et Carlos sont un peu tout cela. Du haut de ses 23 ans, la jeune surveillante, chignon strict, sourcils circonflexes, a l’allure d’une vieille fille. Son attirance pour ce jeune lycéen fait naître en elle un désir d’émancipation en même temps que va se fissurer sa docilité envers l’autorité. Autorité incarnée par le surveillant général, Biassuto. Maria Teresa bouillonne de frustration. Maria Teresa se cache dans les toilettes –« entre la merde et la pisse »- pour espionner le garçon qui la fascine. Maria Teresa dénoue la rigidité de son corps en dansant gauchement sur de la variète vaguement rock. Bref, on comprend rapidement que Maria Teresa EST le peuple argentin qui aspire à la liberté et se rebelle crescendo contre l’oppression.

La démonstration chausse parfois ses gros sabots, mais le parti pris demeure respectable. On peut d’ailleurs le rapprocher de celui de Pablo Larrain qui, dans Santiago 73, Post Mortem, sorti en février dernier, collait aux basques d’un employé d’une morgue pour nous causer du coup d’Etat contre Allende. L’œil invisible ne sort cependant pas grandi de la comparaison car, outre le fait qu’il déployait davantage de subtilité, Santiago 73... faisait preuve de davantage de radicalité dans son propos. La conclusion –un plan-séquence sidérant- était amenée par paliers, avec une certaine cohérence. Dans le cas de L’œil invisible, elle tombe comme un cheveu sur la soupe. Sans trop en révéler, le final met à l’œuvre une violence qui s’accomplit dans le cadre confiné du lycée alors qu’à l’extérieur les cris des manifestants se font entendre. Un parallèle qui surligne lourdement et inutilement le propos. Cette scène, qui se voulait sans doute choc, met mal à l’aise par sa gratuité sordide. Dommage, car tout ce qui précède ce faux-pas, bien qu’austère, tient plutôt la route.



 L'Oeil invisible
(La mirada invisibile)
Argentine, 2010.
Réalisé par : Diego Lerman. Avec : Julietta Zylberberg, Osmar Núñez

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